Le montant de cette indemnité principale va être fixée en prenant en compte la consistance du bien et l’évaluation de sa valeur vénale.
Détermination de la consistance des biens
Avant de fixer le montant de l’indemnité, il faut d’abord déterminer la consistance du bien exproprié. Cela signifie que l’indemnité principale va tenir compte de la composition matérielle du bien et des droits qui y sont attachés.
Tous les éléments matériels du bien doivent ainsi être pris en considération, à savoir :
Le sol et le sous-sol d'un terrain
La construction elle-même, ses accessoires (clôture, jardin, dépendances, cave etc.), la qualité des matériaux et des équipements, ou encore l’état de vétusté pour les immeubles bâtis.
Les droits attachés au bien exproprié sont également inclus. Il s’agit notamment des baux (habitation, commercial ou rural) et des servitudes (légales ou conventionnelles).
Évaluation des biens
L’indemnité principale d’expropriation doit correspondre à la valeur vénale du bien exproprié, c’est-à-dire au prix auquel il aurait pu être vendu sur le marché immobilier dans des conditions normales.
Pour aider les personnes expropriées à apprécier cette valeur, un service en ligne permet d’accéder aux informations relatives aux ventes de biens immobiliers comparables (type de bien et superficie similaire).
Il est accessible depuis l’espace particulier du site impots.gouv.fr :
Ce service fournit des données sur les ventes intervenues dans le même secteur géographique et sur une période donnée.
Les informations communiquées concernent notamment :
La localisation du bien (adresse, commune/département, références cadastrales)
Ses principales caractéristiques (année de construction, superficie, type de bien, nombre de pièces, étage, présence d’un ascenseur, matériaux de construction, etc.)
La date et le prix de vente (modalités de calcul prix/surface et prix/nombre de dépendances)
Ces éléments permettent de comparer le bien exproprié à des biens similaires et de déterminer une estimation réaliste de sa valeur. Seules les transactions intervenues au cours des 9 dernières années peuvent être consultées.
Évaluation des bâtiments expropriés
En l’absence d’accord entre l’expropriant et l’exproprié sur la valeur du bien, le juge de l’expropriation fixe le montant de l’indemnité principale.
Le juge de l’expropriation choisit alors librement la méthode d’évaluation la plus adaptée à la situation. En effet, plusieurs méthodes d’évaluation peuvent être utilisées selon la nature du bien et les circonstances :
L’évaluation par comparaison. C’est la méthode la plus couramment utilisée. Elle consiste à comparer le bien exproprié à d’autres biens présentant des caractéristiques proches récemment vendus dans des zones géographiques similaires. Cette approche permet de déterminer une valeur moyenne représentative du marché immobilier local.
L’évaluation par le revenu. Cette méthode est utilisée principalement pour les immeubles loués. Elle consiste à estimer la valeur vénale du bien à partir des revenus qu’il rapporte, c’est-à-dire les loyers perçus chaque année. Le juge applique ensuite un coefficient de capitalisation pour transformer ce revenu annuel en valeur de vente.
L’évaluation par le coût de reconstitution. Elle est réservée à des biens particuliers, principalement des immeubles classés. La valeur est alors estimée d’après le coût nécessaire pour reconstituer le bien à l’identique, en tenant compte de son état et de sa durabilité.
L’évaluation de récupération foncière. Cette méthode s’applique lorsque la valeur du terrain est nettement supérieure à celle des constructions qu’il supporte. Les bâtiments sont alors considérés comme devant être démolis, et seule la valeur du terrain nu est retenue, diminuée du coût estimé de la démolition. Elle est utilisée notamment pour les immeubles vétustes, insalubres ou voués à la destruction, mais ne peut pas s’appliquer à des constructions en bon état.
L’évaluation du bilan promoteur ou du compte à rebours. Cette méthode consiste à partir du prix de vente final d’une opération immobilière (construction, réhabilitation ou aménagement) et à en déduire l’ensemble des coûts liés à l’opération, notamment le coût des travaux. Elle permet d’estimer la valeur d’un terrain constructible en fonction de son potentiel de construction. Toutefois, en raison de son caractère incertain et des nombreuses hypothèses à prendre en compte, cette méthode est rarement retenue.
À savoir
La personne expropriée peut présenter au juge la méthode d’évaluation qu’elle souhaite voir retenue. Elle a également le droit de contester les réductions ou abattements proposés par l’expropriant ou le commissaire du gouvernement, en fonction de la situation de son bien.
L’immeuble doit toujours être évalué selon son état réel et les conditions du marché. L’estimation ne peut donc pas se fonder sur des constructions neuves. Elle ne peut pas non plus se fonder sur les prix affichés dans les agences ou sur les promesses de vente, qui constituent seulement des indications.
Évaluation des fonds de commerce
L’expropriation ne peut concerner que des biens immobiliers (terrains, bâtiments etc) ou des droits réels immobiliers. Un fonds de commerce, qui est un bien mobilier immatériel (comme la clientèle ou le nom commercial), ne peut donc pas être exproprié directement. En pratique, c’est l’immeuble où se trouve le commerce qui peut être exproprié. Le fait d’être exproprié entraîne alors la perte de l’activité commerciale.
Dans ce cas, l’expropriant doit verser une indemnité d’éviction :
au propriétaire lorsqu’il exploite lui-même son fonds de commerce
au locataire titulaire d’un bail commercial, lorsqu’il exerce son activité dans le local exproprié.
En cas de désaccord sur le montant de l’indemnité, il reviendra au juge de l’expropriation de fixer sa valeur.
À savoir
La perte de clientèle ou la cessation d'activité ne peuvent donner lieu à indemnisation que si elles sont la conséquence de l'expropriation.
Le juge de l’expropriation détermine librement les critères nécessaires à l’évaluation du fonds de commerce. Le plus souvent, il utilisera une méthode comparative qui consiste à évaluer le commerce exproprié avec d’autres commerces similaires récemment vendus ou estimés dans le même secteur d’activité et la même zone géographique. Cette méthode repose sur les données du marché et les barèmes de référence établis pour chaque type de commerce (par exemple, cafés, boulangeries, pharmacies, salons de coiffure, etc.).
En pratique, cela consiste à appliquer un coefficient de valorisation à l’un ou plusieurs des indicateurs économiques du commerce :
la recette moyenne journalière,
le bénéfice annuel moyen calculé sur les 3 dernières années,
ou le chiffre d’affaires annuel moyen calculé sur les 3 dernières années, toutes taxes comprises.
Le coefficient retenu traduit la rentabilité du fonds de commerce : plus l’activité est stable, réputée et bien située, plus la valeur estimée sera élevée.
Cette méthode permet ainsi de fixer une valeur marchande réaliste du fonds de commerce, reflétant sa position sur le marché au moment de l’expropriation.
À noter
Lorsque le commerçant transfère son activité à la suite de l’expropriation et qu’il ne subit aucune perte de clientèle, l’indemnité peut être calculée sur la valeur du droit au bail.